Elsevier

La Presse Médicale

Volume 44, Issue 5, May 2015, Pages 481-485
La Presse Médicale

Mise au point
Consommation d’alcool après greffe de foie chez les patients transplantés pour cirrhose alcooliqueAlcohol consumption after liver transplantation in patients transplanted for alcoholic cirrhosis

https://doi.org/10.1016/j.lpm.2014.09.019Get rights and content

Points essentiels

La transplantation hépatique (TH) est le seul traitement curatif de la cirrhose terminale et du cancer du foie non résécable.

En France, la première cause de TH est la cirrhose d’origine alcoolique.

La rechute sévère de la consommation alcoolique concerne 10 à 26 % des patients en post-transplantation et occasionne une diminution significative de la survie après 5 ans de greffe et ce, quelle que soit l’origine de la cirrhose en pré-greffe.

De nombreux facteurs prédictifs de rechutes ont été recherchés : délai d’abstinence pré-greffe, comorbidités psychiatriques, âge, niveau socio-économique. Toutefois, l’addiction à l’alcool et la TH sont deux entités complexes que l’on ne peut résumer à une liste de facteurs prédictifs.

Une prise en charge multidisciplinaire incluant un médecin addictologue devrait permettre de minimiser le taux de rechute sévère et de les repérer précocement.

Key points

Liver transplantation is the gold standard treatment for terminal cirrhosis and liver cancer (if no surgical option is available).

In France, the leading cause of liver transplantation is alcoholic cirrhosis.

Severe alcohol relapse is often considered as a failure and concerns 11 to 26% of cases.

The severe relapse causes a significant decrease in survival after 5 years of follow up, regardless of the origin of the transplantation.

Predictors of relapse, like pretransplant abstinence duration, additional psychiatric co-morbidity, age, and level of social support have been assessed.

However, alcohol addiction and liver transplantation are complex entities that cannot be reduced to a list of predictive factors.

A multidisciplinary approach including an addiction specialist should identify and minimize the risk of severe relapse.

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Indications et résultats de la transplantation hépatique

Actuellement, la TH est le seul traitement curatif de la cirrhose terminale et constitue la thérapeutique de choix pour les patients atteints d’un carcinome hépatocellulaire (CHC) non résécable. Ce traitement médico-chirurgical a pour but d’améliorer la qualité et l’espérance de vie. En Europe, la première indication de la TH est la cirrhose (58 %) suivie par le CHC (13 %), les hépatites fulminantes (11 %), puis la maladie métabolique [3].

L’indication de TH en cas de cirrhose décompensée

Rechute de la consommation d’alcool après transplantation

Une méta-analyse faite en 2008 démontrait que le risque de consommation d’alcool après une transplantation était de 5,6 % par an et que celui d’une consommation excessive était de 2,5 % par an [7].

La définition de la rechute est hétérogène et sa fréquence peut aller de 7 à 95 % en fonction des études. Certains auteurs estiment que la moindre consommation d’alcool en post-greffe est une rechute, d’autres que ces « faux pas » appelés slips ne peuvent pas être considérés comme une rechute. La

Conséquences médicales de la rechute sévère

Outre les effets sur les équipes médicales et le grand public, cette rechute a des conséquences médicales potentiellement graves :

  • modification de l’observance médicamenteuse : l’observance vis-à-vis du traitement médical est primordiale après la TH. En effet, en cas d’arrêt de ces médicaments, un rejet peut survenir. La non-adhérence au traitement varie suivant les études de 3 à 47 % et n’est pas systématiquement secondaire à une reprise de l’alcool [11]. D’ailleurs, Berlakovich et al. [12] ont

Peut-on prévoir la rechute sévère d’alcool ?

Les indications de TH pour cirrhose alcoolique ne sont pas différentes des autres causes de maladies terminales du foie. En revanche, un délai d’abstinence avant la greffe est préconisé. Celui-ci a tout d’abord été estimé à 6 mois afin de laisser le temps à l’insuffisance hépatocellulaire de s’améliorer spontanément. Il s’agissait également d’obtenir une abstinence d’une durée suffisante pour espérer qu’elle se prolonge en post-greffe. Cette notion de délai est largement controversée, car de

Comment la repérer ?

Le repérage d’une consommation excessive d’alcool, en dehors d’un contexte de greffe, est parfois compliqué ; il nécessite un entretien bienveillant et empathique centré sur le patient, et parfois l’utilisation d’auto-questionnaire comme l’Alcohol Use Disorder Test (AUDIT) [23]. Ce test, validé en population générale [24], est le plus pertinent dans l’identification des sujets ayant une consommation excessive d’alcool avec une sensibilité variant de 51 à 97 % et une spécificité comprise entre

Prise en charge

Comme toute prise en charge addictologique, le patient doit être abordé avec bienveillance et empathie. Ceci est d’autant plus vrai dans cette indication que la culpabilité est souvent au premier plan du fait du don.

L’abstinence retrouvée est bien entendu l’objectif. Pour l’obtenir, toutes les techniques médico-psychosociales sont utiles. Les médicaments d’aide au maintien de l’abstinence (acamprosate et naltrexone) et anti-craving (baclofène) peuvent être utilisés, ils n’interagissent pas avec

L’hépatite alcoolique aiguë grave

Depuis quelques années, la question de la transplantation hépatique en cas d’hépatite alcoolique aiguë (HAA) grave se pose. Maturin et al. [28] ont publié en 2011 une étude démontrant que les taux de survie à 6 mois des sujets ayant eu accès à une TH précoce lors d’une HAA sévère étaient significativement supérieurs à ceux des patients non greffés ; ce bénéfice était stable durant les 2 ans de suivi. Les critères d’éligibilité pour cette greffe « hors » indication étaient très stricts : il

Conclusion

Une consommation d’alcool après TH pour cirrhose alcoolique n’est pas rare. Toutefois, seule une consommation d’alcool excessive peut altérer la qualité de vie et diminuer l’espérance de vie de ces malades. Le repérage précoce et le traitement de cette consommation justifient la présence d’un médecin addictologue dans les équipes de transplantation hépatique.

Déclaration d’intérêts

les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références (29)

  • M.A. Dew et al.

    Meta-analysis of risk for relapse to substance use after transplantation of the liver or other solid organs

    Liver Transpl

    (2008)
  • D.S. Kotlyar et al.

    A critical review of candidacy for orthotopic liver transplantation in alcoholic liver disease

    Am J Gastroenterol

    (2008)
  • J. Neuberger et al.

    Assessing priorities for allocation of donor liver grafts: survey of public and clinicians

    BMJ

    (1998)
  • P. Burra et al.

    Adherence in liver transplant recipients

    Liver Transpl

    (2011)
  • Cited by (5)

    • Alcohol and Cirrhosis

      2022, Handbook of Substance Misuse and Addictions: From Biology to Public Health
    • The psychosocial evaluation of transplant candidates

      2018, Psychosocial Care of End-Stage Organ Disease and Transplant Patients
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